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FRAGMENTS

fication que par lui et devient une manifestation de celui-ci. Le physicien Gœthe est aux autres physiciens, ce que le poète est aux autres poètes. Il est surpassé çà et là en étendue, en variété, en profondeur ; mais qui oserait se comparer à lui pour la force de la culture ? En lui tout est fait, comme dans les autres tout n’est que tendances. Il fait vraiment quelque chose, tandis que les autres ne rendent une chose que possible ou nécessaire. Nous sommes tous des créateurs possibles et nécessaires, mais combien peu de créateurs réels ! Le philosophe de l’école appellera peut-être ceci de l’empirisme actif. Nous nous contenterons d’examiner la vie d’artiste de Gœthe et de jeter un coup d’œil sur son intelligence. En lui, on peut apprendre à connaître sous un jour nouveau le don d’abstraire. Il abstrait avec une rare précision, mais jamais sans construire en même temps l’objet qui correspond à l’abstraction. Ceci n’est autre chose que de la philosophie appliquée ; et ainsi, à la fin, nous trouvons, à notre grand étonnement, qu’il est aussi un philosophe pratique et qui applique sa philosophie, ce que fut toujours tout artiste véritable. Le simple philosophe sera pratique aussi, encore que le philosophe pratique n’ait pas à s’occuper de sa science, car ceci est un art spécial. Le siège de l’art proprement dit est dans l’intelligence. Elle construit d’après un concept propre. On ne lui demande que la fantaisie, l’esprit et le jugement. C’est ainsi que Wilhelm Meister est tout entier un produit d’art, une œuvre de l’intelligence. De ce point de vue,