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vores d’une même espèce ou d’espèces différentes. Les bandes de loups n’attaquent jamais d’autres bandes de loups, et elles attaquent rarement des bandes de chacals. Dans le règne animal, les guerres entre collectivités sont l’exception. Si donc le progrès s’est accompli par la lutte pour l’existence, c’est par la lutte entre individus et non par la lutte entre collectivités. Mais alors, de quel droit Spencer peut-il soutenir qu’il n’en est pas de même dans l’humanité, et qu’au sein de notre espèce, seule, le progrès s’accomplit par la lutte entre collectivités ? Il faut comparer des circonstances comparables. Si le progrès biologique vient de la lutte entre individus, il faut que le progrès dans l’espèce humaine vienne aussi des luttes entre individus. Affirmer qu’il y a un certain ensemble de circonstances dans l’animalité et un autre ensemble de circonstances dans l’humanité et soutenir, néanmoins, que des causes différentes doivent produire les mêmes effets est contraire à la logique.

Mais, dira Spencer, il y a cependant des exemples de combats collectifs dans le règne animal, et ces combats ont pu contribuer à améliorer les espèces. On sait que les fourmis se font la guerre en bonne et due forme. Si les collectivités des fourmis se livrent des batailles, les luttes collectives sont un fait naturel, donc les collectivités humaines doivent se combattre éternellement. Et, comme les espèces évoluent en se combattant, les batailles collectives des fourmis ont contribué à l’amélioration de leur espèce. Il y a dans cette suite de propositions une absence de logique véritablement étonnante. Il faut d’abord prouver que les espèces ont évolué par suite des combats qu’elles ont livrés à d’autres espèces, ce qui est encore sujet à caution. Il faut de plus démontrer que les combats collectifs, autant que les combats individuels, ont contribué au progrès biologique. Passant ensuite aux fourmis, il faut prouver qu’elles ont amélioré leur organisation, donc qu’elles ont progressé, par suite des com-