Page:Novicow - La Critique du darwinisme social.pdf/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vie à un être plein d’activité me sembla quelque chose d’indescriptiblement cruel et bas. »

M. Arnaud a raison. Un monde où des milliards d’êtres ne peuvent vivre qu’en détruisant constamment des milliards d’autres êtres n’est certes pas un lieu de délices.

Cependant, la lutte entre individus non associables n’empêche nullement que l’alliance entre individus associables ne soit une réalité. Les combats, comme ceux de l’araignée et de la mouche, et des milliards de combats semblables, qui se livrent à tous moments, n’empêcheront pas la fédération du genre humain et ne la retarderont pas d’une seule minute, pas plus que ne la retarderont les tueries continuelles de bœufs et de moutons que nous accomplissons tous les jours dans les abattoirs. Si M. Arnaud trouve une antinomie entre les idées de M. Kropotkine et les phénomènes de la nature, c’est parce qu’il fixe son attention seulement sur la lutte et néglige l’association.

« La lutte pour la vie m’apparut soudain dans toute sa hideur », dit M. Arnaud. Certes, je le répète, un monde où une partie des êtres ne peut vivre qu’au détriment de l’autre, un monde de ce genre est tout, excepté une idylle. Mais, lorsque les darwiniens viennent nous dire : « le monde n’est pas une idylle, donc les hommes doivent se massacrer jusqu’à la fin des siècles », je suis révolté jusqu’au plus profond de mon être par ce donc, si outrageusement contraire aux réalités. Dans la nature nous voyons les associations se former partout pour combattre les conditions désavantageuses du milieu. Et l’humanité subit la même nécessité impérieuse que les autres espèces. Si la terre était un paradis, si les cailles rôties nous tombaient dans la bouche, si un printemps éternel régnait partout, chacun aurait pu vivre isolé et jouir de la béatitude la plus complète. Mais c’est parce que le monde n’est pas une idylle que l’association avec nos semblables s’impose d’une manière inévitable, qu’elle est une question de vie ou de mort. Un milieu où 250 000 malheureux peuvent être ensevelis sous