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les décombres en quelques secondes par les mouvements du sol n’est certes pas le comble de la perfection. Mais c’est précisément pour faire face à des conditions désavantageuses que l’aide mutuelle est indispensable.

M. Lemeere, recteur de l’université libre de Bruxelles, tombe dans la même erreur que M. Arnaud. « Les naturalistes, dit-il, nous représentent la terre comme un immense champ de bataille sur lequel tous les êtres vivants luttent avec acharnement les uns contre les autres en se faisant une concurrence effroyable. Voulant réagir contre une pareille assertion, Kropotkine est tombé dans l’erreur opposée en voulant nous faire croire que l’entr’aide serait la loi qui régit les rapports des organismes. L’entr’aide est une réalité, mais, loin d’exister chez tous les êtres vivants, elle est seulement l’apanage d’un très petit nombre d’animaux à psychologie compliquée, d’oiseaux et de mammifères, et c’est aussi la loi commune à toutes les sociétés animales, dans lesquelles le progrès s’accompagne toujours d’une évolution de la solidarité. »[1]

Quand donc les sociologues comprendront-ils enfin que les êtres, dans la nature, ne se trouvent pas tous dans des relations identiques ? Ni la lutte ni l’entr’aide ne sont « la loi qui régit les rapports des organismes ». C’est tantôt la lutte et tantôt l’entr’aide. Et M. Lemeere a tort de dire que l’entr’aide est l’apanage d’un petit nombre d’animaux « à psychologie compliquée ». L’entr’aide est un fait universel en biologie, il est l’apanage de tous les métazoaires.

Oui, certes, la lutte est une réalité, mais quel astronome serait assez fou pour venir affirmer que les systèmes sidéraux sont formés par la seule force centrifuge ? Tous les astronomes affirment, au contraire, que les systèmes sidéraux sont la résultante de la force centripète et de la force centrifuge, et de l’une dans la même mesure que de

  1. Discours prononcé à l’ouverture des cours de l’Université libre de Bruxelles, le 14 octobre 1907.