Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/217

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avec leur pavage uni et lavé de briques sur champ. Elles sont plantées magnifiquement d’arbres gigantesques, des ormes, des platanes, des blancs de Hollande, dont on voit très bien que les racines plongent au plus profond d’un sol riche où l’humus ne leur a pas plus manqué que l’eau. Des bandes de vanneaux, de sansonnets voyagent dans l’air, des bandes de canards voyagent sur l’eau… Et l’eau est partout… On la voit sourdre sous les nappes de verdure, comme, sous la couche de cendres qui le recouvre, on voit sourdre la rougeur d’un brasier…

Dans la traversée des polders, sur les digues, il faut aller doucement. Elles sont étroites, le plus souvent bordées de petits canaux en contre-bas, coupées de petites passerelles en dos d’âne et de petits ponts-levis qu’on n’aperçoit que lorsqu’on est dessus. Chaque fois que vous rencontrez un cheval, un de ces beaux chevaux à l’encolure guerrière, arrêtez la machine, et mieux, descendez-en, pour porter secours au charretier ou au cavalier, car le cheval est partout le même stupide animal, et, ici, son danger s’accroît de sa masse, et du peu de place que le fameux ministre des Digues accorde à ses caracolades.

Il n’existe pas d’autre règlement, sur la circulation automobile, que celui que vous établissez vous-même, en vue de votre propre sécurité. En Hollande, l’important est d’entrer… Une fois cette difficulté levée, vous faites ce que vous voulez… Vous tombez même dans le canal, si tel est votre plaisir… Personne n’y voit le moindre inconvénient et ne vous en saura mauvais gré, à condition toutefois que vous vous en retiriez, mort ou vif, votre machine et vous, à vos frais. Il suffit d’ailleurs du plus léger dérapage, ou que votre mécanicien ait, en de certains endroits, une seconde de distraction. Car