Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/316

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les pattes écartées, comme font les femmes qui ont le ventre trop lourd. Au bord des poulaillers, elles me font l’effet de ces vieilles proxénètes, qu’on voit rôder à la sortie des ateliers, des magasins. Je les écrase, sans la moindre pitié, et Brossette, qui a un sens très vif des analogies – lui pardonnent les Anglaises ! – leur crie : « Putain ! », expression affable encore, auprès du terrible vocable : « Cocotte ! »

Les mâles, eux, ne vivent que d’amour et de guerre. Ils sont soudards, criards, ridicules, prétentieux, dégoûtants, comme toutes les bêtes… à femmes. Se battant quand ils ne font pas l’amour, faisant l’amour quand ils ne se battent pas, combien en avons-nous écrasés, en cette double posture !…

Comme Wallenstein, qui « avait cela de commun avec les lions », dit Schiller, j’ai horreur du cri du coq. Dès le matin, ils claironnent une chanson monotone et stupide qui me réveille et qui m’irrite… S’ils n’étaient pas si bien mis – avec trop d’éclat, pourtant – ah ! comme on les détesterait !

Les Gaulois, bavards, vantards, paillards, pillards, braillards, guerriers et militaristes, ne pouvaient mieux choisir leur emblème.



Les canards sont bien mieux doués. Il m’est agréable de rendre hommage à leurs vertus. Quoiqu’on leur ait enlevé tous moyens de défense, en les tenant éloignés des rivières et des étangs où ils voguent avec une aisance et une grâce merveilleuses, ils s’arrangent… C’est toujours à l’écart que leurs petites troupes humiliées boitracaillent. Ils n’occupent jamais le milieu des routes, sachant parfaitement qu’ils n’ont rien à craindre