Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/51

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de paperasses, de registres, de livres à souche. Le chat réveillé s’étira voluptueusement… Elle dit en souriant :

— Un beau temps pour voyager… Na !… Venez avec moi… C’est à deux pas…

Nous traversâmes la rue. Elle me fit entrer dans un cabaret où un gros homme, très rouge de figure et très court de cuisses, fumait sa grande pipe, assis devant une chope de bière… Quoiqu’il fût tout seul, il semblait s’amuser extraordinairement. Peut-être songeait-il à nos défaites, à ses victoires ? Car, à quoi peuvent bien songer les Allemands ? – La femme lui dit quelques mots.

— Ah ! ah ! fit le gros homme… Très bien… très bien ! Nous allons voir ça…

Je remarquai alors qu’il était coiffé, assez comiquement, d’une casquette anglaise, qui lui collait au crâne, et que ses vêtements, déteints, ne rappelaient l’uniforme que par deux ou trois boutons de cuivre et par un liseré, où le rouge ancien reparaissait, çà et là, à de longs intervalles… Nous sortîmes.

Il tourna autour de la voiture, l’examina avec une curiosité réjouie… Brossette le suivait, prêt à ouvrir les coffres à la première réquisition… Moi, j’extrayais de ma poche le fameux portefeuille… Et tel fut le dialogue qui s’engagea entre un citoyen français et un douanier allemand :

— Ça va bien, hein ?

— Assez bien…

— Ça va vite ?

— Assez vite, oui.

— Trente kilomètres ?

— Oh ! Plus… plus…

— Sacristi !… C’est joli… c’est joli…