Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/142

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Mais d’un être infini je me suis souvenu
Dès le premier instant que je me suis connu.
D’un maître souverain redoutant la puissance,
J’ai malgré mon orgueil, senti ma dépendance.
Qu’il est dur d’obéir, et de s’humilier !
Le plus fier cependant est contraint de plier :
Devant l’être éternel tous les peuples s’abaissent :
Toutes les nations en tremblant le confessent.
Quelle force invisible a soumis l’univers ?
L’homme a-t-il mis sa gloire à se forger des fers ?
Oui, je trouve partout des respects unanimes,
Des temples, des autels, des prêtres, des victimes :
Le ciel reçut toujours nos voues et notre encens.
Nous pouvons, je l’avoue, esclaves de nos sens,
De la divinité défigurer l’image.
A des dieux mugissants l’Égypte rend hommage ;
Mais dans ce bœuf impur qu’elle daigne honorer,
C’est un dieu cependant qu’elle croit adorer.
L’esprit humain s’égare, et follement crédules
Les peuples se sont fait des maîtres ridicules.
Ces maîtres toutefois si dignes de mépris,
Qui les osa braver, révolta les esprits.
On détesta Mezence ainsi que Salmonée,
Et l’horreur suit encor le nom de Capanée.
Un impie en tout temps fut un monstre odieux :
Et quand pour me guérir de la crainte des dieux,
Epicure en secret médite son système,
Aux pieds de Jupiter je l’aperçois lui-même.
Surpris de son aveu, je l’entends en effet
Reconnaître un pouvoir dont l’homme est le jouet,