Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/148

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CHANT SECOND.

 
De tes lois dès l’enfance heureusement instruit,
Et par la foi, Seigneur, à la raison conduit,
Permets que dans mes vers, sous une feinte image,
J’ose pour un moment imiter le langage
D’un mortel qui vers toi, de troubles agité,
S’avance, et pas à pas cherche ta vérité.
Quand je reçus la vie au milieu des alarmes,
Et qu’aux cris maternels répondant par mes larmes
J’entrai dans l’univers, escorté de douleurs,
J’y vins pour y marcher de malheurs en malheurs.
Je dois mes premiers jours à la femme étrangère,
Qui me vendit son lait, et son cœur mercenaire.
Réchauffé dans son sein, dans ses bras caressé,
Et longtemps insensible à son zèle empressé,
De mon retour enfin un souris fut le gage.
De ma faible raison je fis l’apprentissage.
Frappé du son des mots, attentif aux objets,
Je répétai les noms, je distinguai les traits.
Je connus, je nommai, je caressai mon père :
J’écoutai tristement les avis de ma mère.
Un châtiment soudain réveilla ma langueur.
Des maîtres ennuyeux je craignis la rigueur :
Des siècles reculés l’un me contait l’histoire ;
L’autre plus importun gravait dans ma mémoire
D’un langage nouveau tous les barbares noms.
Le temps forma mon goût : pour fruit de ces leçons