Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/149

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D’Eschine j’admirais l’éloquente colère.
Je sentis la douceur des mensonges d’Homère :
De la triste Didon partageant les malheurs,
Son bûcher fut souvent arrosé de mes pleurs.
Je méprisais l’enfance et ses jeux insipides.
Mais mes amusements étaient-ils plus solides ?
D’arides vérités quelquefois trop épris,
J’espérais de Newton pénétrer les écrits.
Tantôt je poursuivais un stérile problème.
De Descartes tantôt renversant le système,
D’autres mondes en l’air s’élevaient à mes frais :
Armide était moins prompte à bâtir un palais ;
Et d’un souffle détruits, malgré leur renommée,
Tous les vieux tourbillons s’exhalaient en fumée.
Par mon anatomie un rayon divisé
En sept rayons égaux était subtilisé,
Et j’osais, remontant à la couleur première,
A mon hardi calcul soumettre la lumière.
Dans ces rêves flatteurs que j’ai perdu de jours !
Cherchant à tout savoir, et m’ignorant toujours,
Je n’avais point encor réfléchi sur moi-même.
Me reprochant enfin ma négligence extrême,
Je voulus me connaître : un espoir orgueilleux
Inspirait à mon cœur ce projet périlleux.
Que de fois, ô fatale et triste connaissance,
Tu m’as fait regretter ma première ignorance !
Je me figure, hélas ! Le terrible réveil
D’un homme qui sortant des bras d’un long sommeil,
Se trouve transporté dans une île inconnue,
Qui n’offre que déserts et rochers à sa vue :