Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/215

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Leurs charmes quelquefois peuvent nous entraîner.
Malheureux, sous leur joug qui se laisse enchaîner.
Mais contre un ennemi qui souvent est aimable,
faut-il faire à toute heure une guerre implacable ?
Un seul moment de paix me rend-il criminel ?
Et le Dieu des chrétiens n’est-il pas trop cruel,
Quand il veut que pour lui renonçant à moi-même,
Pour lui mettant ma joie à fuir tout ce que j’aime,
J’étouffe la nature, et maître infortuné,
Je gourmande en tyran ce corps qu’il m’a donné ?
Dans sa morale enfin trouverai-je des charmes,
Quand il appelle heureux, ceux qui versent des larmes ?
Ainsi parle un mortel qui combat à regret
Une religion qu’il admire en secret.
Frappé de sa grandeur, il la croit, il l’adore :
Troublé par sa morale, il veut douter encore.
Il repousse le Dieu dont il craint la rigueur.
Achevons le triomphe en parlant à son cœur,
Et cherchant un accès dans ce cœur indocile
Chassons l’impiété de son dernier asile.
A la religion si j’ose résister,
C’est la raison du moins que je dois écouter.
A la divine loi quand je crains de souscrire,
Celle de la nature a sur moi tout l’empire.
Je veux choisir mon joug, et qu’entre ces deux lois,
Mon intérêt soit juge, et décide mon choix.
Sans doute qu’indulgente à nos âmes fragiles
La raison ne prescrit que des vertus faciles.
N’allons point toutefois les chercher dans Platon,
Et laissons déclamer Sénèque et Cicéron.