Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/216

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Ces fastueux censeurs de l’humaine faiblesse,
Inspirés par l’orgueil plus que par la sagesse,
Peut-être en leurs écrits, remplis d’austérité
Ont suivi la raison moins que leur vanité.
Faisons parler ici des docteurs moins rigides.
Que les poètes seuls soient nos aimables guides.
De leurs vers enchanteurs, et faits pour nous charmer,
La morale n’a rien qui nous doive alarmer.
Cherchons-y ces devoirs qui, tous tant que nous sommes,
Nous attachent au ciel, à nous, à tous les hommes.
De Jupiter partout l’homme est environné.
Rendons tout à celui qui nous a tout donné.
Jetons-nous dans le sein de sa bonté suprême.
Je suis cher à mon Dieu beaucoup plus qu’à moi-même.
Notre encens pourrait-il par sa stérile odeur,
D’un être souverain contenter la grandeur ?
D’une main criminelle il rejette l’offrande.
L’innocence du cœur, voilà ce qu’il demande.
A l’un de ses côtés la justice debout,
Jette sur nous sans cesse un coup d’œil qui voit tout,
Et le glaive à la main demandant ses victimes
Présente devant lui la liste de nos crimes.
Mais de l’autre côté la clémence à genoux,
Lui présentant nos pleurs désarme son courroux.
Quand pour moi si souvent j’implore la clémence,
N’en aurai-je jamais pour celui qui m’offense ?
Je plains le malheureux qui prétend m’outrager,
Et j’abandonne au ciel le soin de me venger.
Si je n’ose haïr l’ennemi qui m’afflige,
Que ne dois-je donc pas à l’ami qui m’oblige ?