Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/50

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Connoissons par nos maux la main qui nous guérit.
L’erreur et le mensonge assiégent notre esprit,
Et la nuit du péché nous couvrant de ses ombres,
Entre nous et le jour jette ses voiles sombres.
Notre cœur corrompu, plein de honteux desirs,
Ne reconnoît de loix que celles des plaisirs.
Le plaisir, il est vrai, juste dans sa naissance,
Par de sages transports servoit à l’innocence :
Nos corps par cet attrait devoient se conserver,
Et nos ames vers Dieu se devoient élever.
Mais notre ame aujourd’hui n’étant plus souveraine,
Aux seuls plaisirs des sens notre corps nous entraîne.
Des saintes voluptés le chaste sentiment
Se réveille avec peine, et s’éteint aisément.
A croître nos malheurs le démon met sa joie :
Lion terrible il cherche à dévorer sa proie ;
Et transformant sa rage en funestes douceurs,
Souvent serpent subtil il coule sous les fleurs.
Ce tyran ténébreux de l’infernal abîme
Joüissoit autrefois de la clarté sublime.
L’orgueil le fit tomber dans l’éternelle nuit,
Et par ce même orgueil l’homme encor fut séduit,
Quand nos peres, à Dieu voulant être semblables,
Oserent sur un fruit porter leurs mains coupables.
L’orgueil depuis ce jour entra dans tous les cœurs :
Là de nos passions il nourrit les fureurs ;
Souvent il les étouffe, et pour mieux nous surprendre,
Il se détruit lui-même, et renaît de sa cendre.
Toujours contre la Grace, il veut nous révolter,
Pour mieux regner sur nous, cherchant à nous flater.