Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il releve nos droits, et notre indépendance ;
Et de nos intérêts embrassant la défense,
Nous répond follement que notre volonté
Peut rendre tout facile à notre liberté.
Mais comment exprimer avec quelles adresses
Ce monstre sait de l’homme épier les foiblesses ?
Sans cesse parcourant toute condition,
Il répand en secret sa douce illusion.
Il console le roi que le thrône emprisonne,
Et lui rend plus leger le poids de la couronne.
Aux yeux des conquérans de la gloire enyvrés
Il cache les périls dont ils sont entourés.
Par lui le courtisan, du maître qu’il ennuie
Soutient, lâche flateur, les dédains qu’il essuie.
C’est lui qui d’un prélat épris de la grandeur
Ecarte les remords voltigeans sur son cœur.
C’est lui qui fait pâlir un savant sur un livre,
L’arrache aux voluptés où le monde se livre,
D’un esprit libertin lui souffle le poison,
Et plus haut que la foi fait parler la raison.
C’est lui qui des palais descend dans les chaumieres,
Donne à la pauvreté des démarches altieres.
Lui seul nourrit un corps par le jeûne abattu :
Il suit toujours le crime, et souvent la vertu.
Parmi tant de périls, et contre tant d’allarmes
La Grace seule a droit de nous donner des armes.
Du démon rugissant elle écarte les coups,
Contre nos passions elle combat pour nous :
Grace que suit toujours une prompte victoire,
Grace, céleste don, notre appui, notre gloire,