Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/53

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Sans cesse vit en nous l’ennemi domestique,
Ou captif indocile, ou vainqueur tyrannique.
Guerre continuelle : un vice terrassé
Par un vice plus fort est bientôt remplacé.
Au dehors tout irrite, et tout allume encor
Ce feu, qui sans s’éteindre, au-dedans nous dévore.
Le monde qui l’attise, en tous lieux nous poursuit ;
Son commerce corrompt, sa morale séduit.
Il applaudit, il loue, et sa louange charme :
Il reprend, il condamne, et sa censure allarme.
Parmi tant de dangers la Grace est mon recours.
Amoureux de ses biens, je les cherche, j’y cours :
Par des vœux enflammés mon ame les implore,
Et quand je les reçois, je les demande encor.
Dieu, riche dans ses dons, peut toujours accorder :
L’homme, plein de besoins, doit toujours demander.
J’avance en sûreté quand Dieu me veut conduire,
Et je tombe aussi-tôt que sa main se retire ;
Tel que le foible enfant qui ne se soutient pas,
Si sa mere n’est plus attentive à ses pas.
Par ce triste abandon la suprême sagesse
Fait aux saints quelquefois éprouver leur foiblesse.
David, l’heureux David, si chéri du seigneur,
Ce prophète éclairé, ce roi selon son cœur,
Vaincu par une femme est en paix dans le crime,
Et ne seroit jamais sorti de cet abîme,
Si le ciel n’eût pour lui rappellé sa bonté.
Au tranquille pécheur Nathan est député :
Si-tôt que cette voix a frappé son oreille,
David se reconnoît : son œil s’ouvre, il s’éveille.