Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/52

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Grace qui pour charmer a de si doux attraits,
Que notre liberté n’y résiste jamais :
Souffle du saint amour, par qui l’ame embrasée
Suit et chérit la loi qui lui devient aisée.
Si cette voix n’appelle, en vain l’on veut marcher :
On s’éloigne du but dont on croit s’approcher.
Sans elle tout effort est un effort stérile,
Tout travail est oisif, toute course inutile.
Sans elle l’homme est mort : mais dès qu’elle a parlé,
Dans la nuit du tombeau le mort est réveillé,
Et ses liens rompus ne forment plus d’obstacle.
Par quel charme suprême arrive ce miracle ?
Dans le même moment, ô moment précieux !
La Grace ouvre le cœur, et dessille les yeux.
L’homme apperçoit son bien, et sent qu’il est aimable.
Dieu se montre, le reste est pour lui méprisable.
Plaisir, bien, dignité, grandeur, tout lui déplaît :
Il voit à découvert le monde tel qu’il est,
Plein de peines, d’ennuis, de miseres, de craintes,
Théâtre de douleurs, de remords, et de plaintes.
Plus de repos pour lui dans cet horrible lieu ;
Il le fuit, il l’abhorre, il vole vers son dieu.
Pour ébranler sa foi le démon n’a plus d’armes.
La gloire est sans attraits, la volupté sans charmes.
Mais de tant d’ennemis quoiqu’il soit le vainqueur,
Si la Grace un moment abandonne son cœur,
Le triomphe sera d’une courte durée.
Des dons qu’on a reçus la perte est assurée,
Si la Grace à toute heure accordant son secours,
De ses premiers bienfaits ne prolonge le cours.