Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/59

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De tout ce que je fais je lui dois tout l’hommage.
Quand je choisis, mon choix est encor son ouvrage :
Et par un dernier coup intimement porté,
Dans l’instant que je veux il fait ma volonté,
Sans qu’à mon choix réel ce grand coup puisse nuire.
Dieu m’a fait libre : un dieu peut-il faire et détruire ?
Non Luther et Calvin assurent follement
Que la Grace asservit à son commandement.
J’abhorre, je proscris cet horrible blasphême :
De mon sang, s’il le faut, j’en signe l’anathême.
Maître de tous ses pas, arbitre de son sort,
L’homme a devant ses yeux, et la vie et la mort.
C’est toujours librement que la Grace l’entraîne :
Il peut lui résister, il peut briser sa chaîne.
Oui, je sens que je l’ai ce malheureux pouvoir,
Et loin de m’en vanter, je gémis de l’avoir.
Avec un tel appui qu’aisément on succombe !
Ah, qui me donnera l’aîle de la colombe !
Loin de ce lieu d’horreur, de ce gouffre de maux
J’irois, je volerois dans le sein du repos.
C’est-là qu’une éternelle et douce violence
Nécessite des saints l’heureuse obéissance :
C’est-là que de son joug le cœur est enchanté :
C’est-là que sans regret l’on perd sa liberté.
Là de ce corps impur les ames délivrées,
De la joie ineffable à sa source enyvrées,
Et riches de ces biens que l’œil ne sauroit voir,
Ne demandent plus rien, n’ont plus rien à vouloir.
De ce royaume heureux Dieu bannit les allarmes,
Et des yeux de ses saints daigne essuyer les larmes.