Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome II, trad Defauconpret, 1831.djvu/40

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36 HAROLD L’INDOMPTABLE.

CHANT CINQUIÈME.

I.

Le sage courtisan du jeune prince danois ; qui consentait à voir avec son maître une baleine dans un nuage, soutenait une vérité sans le savoir, car l’imagination brode le voile de la nature. Les couleurs nuancées d’une soirée d’orage, celle d’une aurore pâle, la sombre vapeur qui recèle la foudre ou la neige argentée, ne sont que le canevas sur lequel l’imagination prodigue ses riches details, et, mêlant avec son pinceau bizarre ce qui existe avec ce qui n’est qu’illusion, crée un tableau dont l’aspect enchante nos yeux abusés.

Les objets informes que nous offrent la terre et les montagnes sont encore du domaine de la magicienne ; car elle ne compose pas seulement ses tableaux avec les couleurs aériennes qu’elle trouve sur la surface des mers et dans l’espace des cieux, ses châteaux enchantés s’élèvent aussi sur la terre, que son char ne dédaigne pas de parcourir.

II.

Harold suivait un sentier stérile, pressé d’aller tenter l’aventure »dés sept boucliers. Gunnar, le page fidèle, accompagnait son maître, dont il n’abandonnait jamais le côté. Ils rencontrent sur leur passage un fragment de granit qui s’était détaché d’une roche voisine. Un jeune bouleau inclinait son feuillage sous cette masse aride, et ses racines s’étaient entrelacées sous ses débris et dans ses fentes.

Cet arbre et ce rocher occupèrent long-temps la pensée de Gunnar, jusqu’à ce qu’une larme vint mouiller ses joues, et le page timide s’adressant à son maître, lui dit : — Quel est l’emblème qu’un barde croirait voir dans ce dur granit et sa verte guirlande ? — On pourrait, répondit Harold, trouver dans ce granit l’image du casque d’un vaillant guerrier tué dans la bataille, et ces rameaux qui

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