Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome II, trad Defauconpret, 1831.djvu/93

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ment la lune, tous les objets lointains paraissent entraînés par un noir tourbillon. Que lui importe la possession de ces beaux domaines, de ce château couronné de créneaux, de ces collines, de cette riche plaine qu’embellit et dore le soleil, et de tout ce qui a été si long-temps l’objet de sa cupidité ! Un noir donjon de la tour de Blackenbury lui eût paru préférable dans ce moment, s’il avait espéré ouvrir à ce prix la tombe sanglante de Mortham et le rappeler à la vie. Forcé aussi de répondre aux questions souvent répétées des vassaux qui sont accourus au son du tocsin, il n’ose pas détourner la tête, même pour adresser au ciel un regard suppliant, ou, dans l’excès de son désespoir, pour implorer de la pitié de l’enfer un trait mortel qui vienne terminer sa vie et ses remords.

XXIX.

Enfin ces momens d’une cruelle incertitude s’écoulent. Tous ceux qui se sont mis à la poursuite de Bertram reviennent épuisés de fatigue les uns après les autres. Wilfrid arrive le dernier, et déclare que toute trace de Bertram est perdue, quoique Redmond parcoure encore sans espoir le bois de Brignal.

O quelle fatale malédiction pèse sur la race humaine ! Comme la tyrannie d’une passion succède bientôt à une autre ! Le remords a fui du cœur d’Oswald, l’avarice et l’orgueil y reprennent leur empire, et, dissipant la terreur qui l’accablait, dictent au châtelain la réponse qu’il fait à son fils.

XXX.

— Va, laisse-le battre les bois comme un limier dressé à la chasse, et, s’il trouve le loup dans son repaire, je me soucie fort peu de l’issue du combat qui s’engagera entre Redmond et Risingham… Écoute-moi avant de répondre, jeune homme trop confiant ! ta belle Matilde, si réservée avec toi, fait un autre accueil à cet amant téméraire venu de l’île d’Érin 1. Elle loue volontiers tes do-

(1) L’Irlande.