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90 ROKEBY.

gagner en sûreté leur asile. Bertram avait depuis, dans sa vie féconde en aventures, fait plusieurs fois l’essai des leçons reçues dans son enfance.

III.

Il avait souvent recueilli dans les climats lointains les fruits de sa jeunesse vagabonde ; la finesse de son ouïe, la vivacité de son regard, l’habitude d’une prompte décision au moment du danger, la rapidité de sa course, qui laissait bien loin derrière lui l’agile caraïbe ; sa force pour franchir les précipices, gravir les rochers et traverser les fleuves à la nage ; son tempérament de fer, capable de supporter toutes les intempéries des saisons, les fatigues les plus longues et les besoins cruels de la faim ; tout en un mot le rendait propre aux hasards que couraient les flibustiers, et il sut maintes fois échapper à un trépas inévitable sur la terre comme sur les flots, dans les arides déserts de l’Arawaque et dans les parages orageux de la Plata, où les Castillans l’avaient vu plus d’une fois braver leur vengeance ; tout ce qui l’a si bien servi.dans les guerres de l’Inde sauve encore ses jours sur les rives de la Greta.

IV.

Ce fut à l’heure de ce pressant danger qu’il prouva son courage et son astuce : tantôt il se traîne d’un pas furtif, et tout-à-coup il franchit rapidement un long espace ; tantôt il décrit dans sa fuite les détours d’un labyrinthe, et revient sur ses pas pour rendre inutiles les traces qu’il a imprimées sur le gazon. Après avoir gravi les angles saillans d’un rocher pour tromper l’œil de celui qui le poursuit, il va suivre le cours de la rivière dont la voix mugissante couvre l’écho de ses pas ; mais s’il s’approche de l’extrémité de la forêt, il entend hennir les chevaux et voit luire le fer des lances ; s’il s’enfonce dans le taillis, il risque de rencontrer Redmond et ceux qui le suivent en battant tous les buissons, comme s’ils voulaient faire partir une bête fauve ; il ressemble alors à un tigre qui, environné