Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome II, trad Defauconpret, 1831.djvu/97

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CHANT TROISIÈME. 91

des pièges du chasseur et ne pouvant tourner ses yeux luisans d’aucun côté sans apercevoir des armes étincelantes et des torches allumées, se prépare à fondre dans une impétueuse fureur sur l’homme, les coursiers et la meute. Tel Bertram est sur le point de se précipiter sur ses ennemis ; mais plus souvent le tigre, intimidé par les armes et les clameurs ; bat en retraite, et se tapit dans un taillis plus épais ; de même Bertram suspend son projet désespéré et reste immobile dans la bruyère, en cachant son visage, de peur que l’étincelle de ses yeux ne le fasse découvrir.

V.

Bertram put alors reconnaître quel était l’audacieux jeune homme qui guidait ses ennemis, prêtait à tous les bruits une oreille attentive, escaladait toutes les hauteurs pour porter ses regards au loin, et enfonçait son glaive nu dans toutes les cavités buissonneuses de la vallée. Il reconnut Redmond à son œil bleu de ciel, et aux boucles nombreuses de sa chevelure flottante : le son de sa voix, son visage, sa taille, lui disent que c’est Redmond qui est si acharné à sa poursuite ; jamais page plus actif et doué d’un extérieur plus martial ne marcha sous les étendards de la guerre. Cependant son air modeste autant que mâle était digne de faire l’ornement de la cour d’une reine ; on eût pu trouver des traits plus beaux que les siens ; car Redmond bravait le soleil et l’orage qui avaient basané son teint ; mais ses traits, sans être réguliers, exprimaient avec bonheur tous les sentimens, soit qu’il se livrât à la gaieté, soit que son front rembruni, le feu de ses yeux et les couleurs animées de ses joues, annonçassent la colère de ce fils d’Erin. Prompt à s’attrister avec la douleur et l’infortune, il s’abandonnait souvent à ce vague de l’âme qui flotte incertaine entre la joie et le chagrin, n’ose se fier à l’espérance, et passe rapidement d’un sentiment à un autre ; état bizarre, qui plaît à la jeune fille alors même qu’elle craint de l’appeler du