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Et, d’un regard malin interrogeant mon cœur,
Tu m’envoyais ma part de ce commun bonheur.
Ce bonheur, mon enfant, fut bien grand pour ton père…
Oh ! mais il en est un pourtant que je préfère :
C’est celui d’aujourd’hui, celui qui, comme toi,
A grandi, chaque jour, tout à côté de moi.
Oui, treize ans ont passé comme passe un doux rêve ;
Quand ce passé s’enfuit, le présent se relève,
Et voici qu’à ta vue, en écoutant ta voix,
Je bénis aujourd’hui, sans regret d’autrefois.
Aujourd’hui, tu n’es plus seulement notre fille ;
Tu deviens une amie au sein de la famille ;
Tu deviens, près de nous, une sorte de sœur,
Plus petite de taille, aussi grande de cœur.
Tu partages nos jeux, nos plaisirs et nos peines :
Nos bonheurs, tu les sens, nos douleurs sont les tiennes,
Et notre vie, à nous, est un concert à trois,
Dont ton cœur est l’écho, dont nous sommes la voix…
Dieu plaça dans ton âme un trésor d’opulence,
Tout rempli de douceur, de grâce et d’innocence,
Dont il nous confia la clé pour la garder :
Nul que nous, jusqu’ici, n’a pu le regarder,
Et je sais que vanter cette obscure richesse,
Dont il daigna doter ta suave jeunesse,
C’est le faire au profit de ma propriété :
Qu’importe !… qu’on m’accuse hélas ! de vanité,