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HENRI CORNÉLIS AGRIPPA

plus durables, tant pour la bienveillance dont elle m’a toujours honoré et les bienfaits dont elle m’a comblé, que pour l’appui qu’elle m’a donné contre ces gens qui avaient irrité et presque tourné contre moi César[1] et sa cour, au point que j’en étais arrivé à deux doigts de ma ruine. Révérend Père, pardonnez-moi encore si j’emploie les termes les plus forts, l’invocation la plus ardente pour vous prier de me rendre encore de nouveaux services. Je viens aujourd’hui vous supplier, pontife vénérable, vous, si remarquable par votre science et votre piété, de ne pas vous déjuger dans la protection que vous voulez bien accorder à Agrippa, votre client depuis tant d’années. Daignez me continuer votre faveur. Ce qui me fait recourir à vos bons offices, c’est une nécessité qui me dispense de toute honte.

Par ordre de l’empereur et sur vos conseils, je dois me laver de l’accusation d’impiété. Il me faut donc affronter de véritables adversaires, livrer un vrai combat. Me taire, ce serait reconnaître que cette accusation est fondée ; si je n’en tiens pas compte, je porte un coup irrémédiable à ma bonne réputation. Il est extrêmement périlleux pour moi de reculer devant une bataille acharnée d’autre part, je ne puis le faire sans porter coups et blessures à mes adversaires. Aussi me semble-t-il très dangereux de descendre dans l’arène sans l’appui d’un protecteur d’une vaste et solide érudition, d’un jugement sûr et droit.

Voici donc mon Apologie contre les calomnies de quelques docteurs de Louvain. Sur la promptitude que j’ai apportée à y répondre il n’est pas de meilleurs témoins pour l’attester que l’honorable Seigneur Lucas Bonifius, votre secrétaire, qui a vu, qui a lu une partie assez grande de cette apologie ; et le vénérable Don Bernard de Paltrineriis, majordome de Votre Éminence, dans la chambre duquel, par un travail assidu de nuit et de jour, je l’ai achevée si vite que, l’opuscule de mes adversaires m’ayant été présenté le 15 décembre[2], j’ai pu terminer mon apologie avant les dernières calendes de février. J’ai pu également la donner au Président du Parlement de Metz. Mais je ne devais pas la publier avant qu’un décret de ce même Sénat ne m’ait autorisé à la transcription de ces articles calomnieux contre moi. Malgré cela, le châtiment a devancé le jugement et l’instruction de cette affaire : sans connaître la cause, sur de simples soupçons, j’ai été condamné par des gens qui, mettant de côté l’autorité du Parlement, se sont arrogé le droit de juger, gens qui, étant mes accusateurs et mes ennemis, ne cherchaient pas tant à me juger qu’à me faire perdre ma cause. Voilà plus de dix mois que j’attends en vain ce décret du Parlement. Je ne serai donc pas si prodigue de mon honneur, si cruel pour ma réputation, si lâche déserteur de mon innocence pour paraître accepter par mon silence une accusation si cruelle d’hérésie, d’impiété, de scandale, que ces hommes pervers, falsificateurs éhontés de mes écrits, ennemis acharnés de ma renommée m’ont lancées à la face.

Ne suis-je donc pas forcé, avant le jugement, de la publier après en avoir revu quelques passages et ajouté quelques compléments, tout cela

  1. Charles-Quint.
  2. Le 15 décembre 1531.