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HENRI CORNÉLIS AGRIPPA

répond rien à ces avances. Il a bien d’autres soucis. Sa femme vient de tomber malade ; il craint que cette maladie ne dégénère en fièvre quarte. Cependant il récrit à Chapelain, entrevoyant encore quelques dernières lueurs d’espoir[1] dans les bonnes dispositions du trésorier Barguin dont l’avait entretenu son ami. Un fait trop évident, c’est que la Princesse ne veut plus rien savoir de lui, ce qu’il ne déplore pas trop, heureux qu’il est d’être débarrassé des opérations astrologiques qui lui pesaient sur la conscience.

Au sein de ses traverses, en plus des travaux précédemment indiqués, il a su produire encore de belles pages sur l’Incertitude et la Vanité des sciences et des arts[2] ; mais il ne va pas dédier au roi cet ouvrage, ayant rencontré, dit-il à Chapelain, un patron plus digne de l’écrivain et meilleur appréciateur de son talent. Dans cette lettre du 5 février 1827, en cette année-là qu’il passe encore tout entière à Lyon, on lit ces mots : « abandonné des hommes j’ai vu venir à moi un ange de Dieu qui m’a tiré des bouches de l’enfer et m’a fait revoir la lumière du ciel. C’est cet homme si bon dont je t’ai déjà parlé. Grâce à lui rien ne manque en ce moment...[3]. » Quel est donc cet ange ? Quel est ce secours inespéré ? On peut conjecturer qu’il fait ici allusion à ce richissime Gênois, Augustino Fornari, dont il parle dès le mois de septembre 1526 comme ayant mérité sa gratitude[4] ; c’était un grand marchand de Gênes ayant des comptoirs à Lyon et à Anvers, protecteur des hommes de lettres il avait un frère nommé Thomas[5], voyageant avec lui, un cousin nommé Nicolas fixé à Anvers[6], et des amis tels qu’Aurelio d’Aquapendente, du couvent des Augustins d’Anvers, Dom Luca, secrétaire, et Dom Bernard de Paltrineriis, majordome du Cardinal-légat Laurent Campegi, tous aussi amis d’Agrippa qui probablement devait à celui-ci ses relations

  1. Epist., V, 22, lettre de Chapelain à Agrippa et réponse de celui-ci à celui-là (Epist., V, 23), Voir plus loin, pp. 81 et suiv., cette correspondance.
  2. C’est à Lyon en 1526 qu’il composa sa De incertitudine et vanitate scientiarum atque artium declamatio imprimée à Anvers en 1530 (le privilège de Charles-Quint est daté de Malines du 12 janvier 1529 vieux style (1530), en format petit in-4o éditée par Joan. Grapheus ; cette première édition, non châtrée, est inconnue de nombre de bibliographes et elle est en 170 feuillets non chiffrés, sign. A.-T. Au verso du dernier feuillet, on voit une gravure sur bois représentant la charité. Cet ouvrage est dédié à Augustin Fornari.
  3. Epist., IV, 44. — Pour échapper à la coûteuse installation d’auberge, Agrippa, en cette année-là, reçut l’hospitalité dans une maison épiscopale près du couvent des Augustins, où il demande qu’on lui adresse certains messages secrets (Epist., V, 12).
  4. Idem, V, 3. Comp. id., VII, 22.
  5. Idem, VII, 10, 23.
  6. Idem, V, 63. Conf. id., VII, 2, 7, 21. Ce Nicolas, par une lettre du 17 oct. 1527, presse Agrippa, encore en France, de venir à Anvers.