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HENRI CORNÉLIS AGRIPPA

papiers se trouvait une lettre de gratifications faites à certains courtisans, au nombre desquels Robert de Caulx et Louis Faron. Au comble de la colère, Thomas Bullioud va menacer Agrippa, s’il ne lui rend les documents détournés, de l’empêcher de toucher une obole de ce qui lui revient. Agrippa tient bon, et prétend que si on n’exécute pas les instructions renfermées dans ces lettres en ce qui le concerne, il les fera parvenir à la reine qui saura alors à quels honnêtes trésoriers elle a confié ces hautes fonctions. Après avoir réfléchi quatre jours, Bullioud se décide enfin, mais il prépare une sorte de quittance qu’il veut faire signer au docteur devant deux notaires ; de là, grosse discussion entre le trésorier et le pensionnaire pour aboutir au versement final. Chacun regagne fort tard son domicile, Bullioud, avec ses bulles et ses ampoules, Agrippa avec ses écus qu’il appelle facétieusement posthumes.

Tout va donc au gré du philosophe et, Chapelain lui ayant annoncé le retour de la cour à Lyon, il sent redoubler ses espérances d’avenir. François Ier devait venir accomplir un vœu fait pendant sa captivité de baiser, dans un pèlerinage solennel, le St-Suaire de Chambéry. Malheureusement, l’argent qu’Agrippa venait de recevoir ne dura que fort peu : il dut payer des dettes et faire de coûteuses acquisitions de ménage ; les temps de pénurie reviennent. À ce moment de nouvelle gêne, lui arrive encore une proposition de Bourbon qui lui offre un commandement dans ses troupes. Agrippa refuse, disant « qu’il veut maintenant vivre en paix au milieu de ses livres et de sa famille ». Le Connétable insiste ; le docteur réitère son refus, mais il est de cœur avec le prince auquel il prédit ses triomphes. On sait quels ils furent sous les murs de Rome le 6 mai 1527.

Agrippa prie alors Chapelain de voir la reine afin de se faire délier de son serment de fidélité : c’est la seule chose qui le retienne à Lyon[1]. En outre il lui fallait un sauf-conduit. C’est à Paris qu’il ira le chercher et déjà il se prépare à partir. Il écrit à un bénédictin de ses amis que, sous peu de jours, il se mettra en route, avec sa famille et ses bagages pour se rendre à Paris et de là à Anvers, où l’appellent des amitiés fidèles. Il a reçu d’aimables lettres d’Aurélien d’Aquapendente et d’Augustino Fornari ; des notabilités Anversoises lui promettent une large hospitalité et un poste bien rétribué. Grâce probablement à l’appui de grands personnages qui ne connaissaient point sa duplicité, il quitte Lyon après 3 ans de séjour, le 6 décem-

  1. Lettre du 17 juillet 1527. Epist., V, 9. Conf., id., V, 10, 13 et 22.