Page:Ossip-Lourié - La Psychologie des romanciers russes du XIXe siècle.djvu/149

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exprime la fatigue et l’ennui. Mais ni la fatigue ni l’ennui n’altère la douceur de sa physionomie. Oblomov est affaissé avant l’âge et pourtant il adore le calme. Dans l’émotion même, ses mouvements sont alanguis par une paresse qui ne manque pas de grâce. Si un nuage de soucis l’assombrit — oh ! très rarement ! — son front se plisse et on y aperçoit la lutte du doute, de la tristesse et de la crainte, mais cette lutte n’aboutit jamais à une idée précise ou à une résolution quelconque. Elle s’évanouit dans l’apathie et la somnolence.

La somme de passion dont il est capable, Oblomov la partage entre sa robe de chambre, ses pantoufles et son lit. La robe de chambre est d’une souplesse et d’une légèreté extraordinaires, les pantoufles, elles, sont longues, larges et molles. Oblomov aime surtout son lit : garder le lit est son état normal.

Il n’est pas étranger aux douleurs de l’humanité ; il s’adonne à des idées générales qui vont et viennent dans sa tête et la matinée passe, déjà le jour décline, et avec lui, inclinent vers le repos les forces épuisées d’Oblomov.

Oblomov n’est pas méchant, il est plutôt bon. Quelqu’un émet devant lui l’idée que le tartufe doit être châtié, rejeté du sein de la vie sociale.

« — Rejeter du sein de la vie sociale ! s’écrie Oblomov inspiré, cela veut dire que vous oubliez que ce vase souillé a renfermé une pure essence, que cet homme perverti était cependant un homme. Rejeter ! et comment le rejetteriez-vous du cercle de l’humanité, du sein de la nature, de la miséricorde divine ?

— Pourquoi diable vous emportez-vous ? »

Oblomov se tait tout à coup, bâille et se met lentement sur le divan.

Il ne se décide jamais à bouger de chez lui. On l’invite