Page:Ossip-Lourié - La Psychologie des romanciers russes du XIXe siècle.djvu/151

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Olga, un vrai type de jeune fille russe droite, brave, d’esprit large et élevé, épouse Stoltz — que Gontcharov oppose à Oblomov — type très exagéré d’homme d’action et d’énergie, laborieux, affairé, travailleur. Stoltz n’est pas d’origine russe, il doit avoir dans les veines, comme son nom l’indique, du sang saxon.

L’Abîme est de beaucoup inférieur à Oblomov, à tous les points de vue. et cependant l’auteur a mis vingt ans à composer ce roman (1849-1868). Dans l’Abîme, Gontcharov voulut reprendre l’idée de Tourgueniev : l’antagonisme de deux générations.

Dans la pensée de l’auteur, Raïsky, l’un des personnages de l’Abîme, c’est Oblomov réveillé. Or, le roman débute ainsi : « Boris Pavlovitch Raïsky avait une nature d’artiste, mais ce n’était ni ne pouvait être un artiste, car la volonté, ce levier tout-puissant, lui faisait totalement défaut. » Raïsky dort moins qu’Oblomov, mais il n’a ni caractère ni idées précises, nettes, il ignore ce qu’il veut et ne sait pas où il va. Au fond, Raïsky, c’est encore Oblomov, debout.

Marc Volochov, un autre personnage de l’Abîme, est une caricature de révolutionnaire. Mme Bélovodov, la principale héroïne du roman, d’une grande beauté mais d’une froideur désespérante, reste étrangère à l’amour, à la vie, à la douleur : elle ressemble beaucoup à Mme Sipiaguine de Tourgueniev[1].

Tandis que Tourgueniev, Dostoïevsky, Tolstoï furent l’objet de polémiques passionnées, Gontcharov, lui, plut à tous les partis et à tous les clans, aux libéraux, Biélinsky en tête, aux conservateurs, à la jeunesse, etc… Or, une

  1. Nove.