Page:Ossip-Lourié - La Psychologie des romanciers russes du XIXe siècle.djvu/159

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« C’est en apprenant la mort de George Sand, que j’ai compris seulement toute la place qu’elle occupait dans ma vie, tout l’enthousiasme et toute l’adoration que j’avais voués à ce poète et combien je lui devais de joie et de bonheur ! Je parle ici avec hardiesse, mais c’est bien là l’expression de ce que je ressentais. C’est dans notre siècle puissant, épris de lui-même et malade en même temps, plein d’idées indécises et de désirs irréalisables, un de ces noms qui, surgissant là-bas, dans le pays des miracles sacrés, ont attiré à eux de notre Russie, en état de formation perpétuelle, une somme énorme de pensées d’amour, de nobles élans de vie et de convictions profondes. En exaltant des noms comme celui de George Sand et en s’inclinant devant eux, les Russes n’ont fait que remplir leur devoir et acquitter une dette. Qu’on ne s’étonne pas de mes paroles sur George Sand... Tout ce que cet écrivain a apporté avec lui de paroles nouvelles, d’universellement humain, a trouvé un écho dans mon âme comme dans toute la Russie, rien ne nous en a échappé...

« George Sand n’est pas un penseur, mais elle est de ces sibylles qui ont discerné dans l’avenir une humanité plus heureuse. Si, toute sa vie, elle proclame la possibilité, pour les hommes, d’atteindre à l’idéal, c’est qu’elle-même était armée pour y parvenir[1]... »

Sorti de l’école de guerre à vingt-trois ans, Dostoïevsky avait devant lui une carrière brillante. Il lui préféra la culture des lettres. Sa première œuvre, Pauvres gens (1848), obtint un succès colossal.

« Honneur et gloire au jeune poète dont la Muse aime les locataires des mansardes et des caves et dit aux habitants des palais dorés : ce sont aussi des hommes, ce sont vos frères ! » C’est en ces termes que Biélinsky saluait

  1. Dostoïevsky. La mort de George Sand.