Page:Ossip-Lourié - La Psychologie des romanciers russes du XIXe siècle.djvu/161

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— note Dostoïevsky après sa visite, — un instant que je n’avais jamais espéré, même dans mes rêves les plus fous... Je me promets de me rendre digne de ces louanges. Quels hommes ! Je mériterai leur bonne opinion et je resterai fidèle à l’amitié que je leur voue. Et l’on dit partout que les hommes de lettres sont orgueilleux et jaloux ! Ils sont les détenteurs du Beau et du Vrai. Le Beau et le Vrai doivent toujours vaincre le mal et le vice. Nous en triompherons ensemble ! » Dostoïevsky n’a jamais oublié ce moment-là, il le considéra toujours comme le meilleur de sa vie, mais il ne resta pas fidèle à l’amitié qu’il voua à Biélinsky.

Le second roman de Dostoïevsky, le Sosie, fut un échec. Ses amis se détournèrent de lui, croyant s’être trompés sur son compte. Mais, se remettant au travail, Dostoïevsky retrouvait déjà le succès avec les Nuits blanches, lorsqu’éclata l’affaire Pétrachevsky.

Le 29 avril 1849, la police arrêta à Saint-Pétersbourg un groupe de vingt-trois jeunes révolutionnaires, — parmi lesquels se trouvait Dostoïevsky — réunis chez l’un d’eux, Pétrachevsky.

Voici une lettre inédite de Dostoïevsky, écrite de la prison à son frère André qui, arrêté également, avait été bientôt relâché :


« De la forteresse, 18 juillet 1849.

« J’ai été très heureux, mon frère, de recevoir ta lettre. On me l’a remise le 11 juillet. Enfin, tu es libre et je m’imagine le bonheur que tu as ressenti en revoyant ta famille. Avec quelle impatience on devait l’attendre ! Je vois que tu commences à arranger ta vie. Que fais-tu maintenant et de quoi vis-tu ? As-tu du travail ? et quel travail ? L’été est très dur à Saint-Pétersbourg et tu m’écris que tu as