Page:Ossip-Lourié - La Psychologie des romanciers russes du XIXe siècle.djvu/167

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sommes jamais rapprochés l’un de l’autre et je crois que, pendant la durée de nos relations, nous n’avons jamais causé plus d’une demi-heure en tête à tête. J’ai même remarqué qu’en venant me voir, lui aussi ne faisait que remplir un devoir de politesse et qu’un entretien prolongé avec moi le fatiguait. Tous les deux, nous avons toujours évité de causer longtemps ensemble, car autrement nous nous serions disputés, ce que nous n’aimions ni l’un ni l’autre. D’ailleurs, j’ai toujours estimé en Pétrachevsky l’homme honnête et loyal ».

Pétrachevsky était un disciple de Fourier, mais il était loin d’admettre que l’application immédiate du système de Fourier soit possible à l’organisation sociale russe. Quant aux jeunes gens qui se réunissaient chez Pétrachevsky, Dostoïevsky ne les connaissait que pour avoir quelquefois causé avec eux ; plusieurs des habitués lui étaient même totalement étrangers. Pour leurs opinions, Dostoïevsky trouve que « dans leur ensemble, elles forment un chaos absolu, les unes s’opposant aux autres. Je n’ai trouvé dans la société de Pétrachevsky aucune unité, aucune direction, aucun but commun ». Il affirme qu’il ne se trouvait jamais trois membres pour tomber d’accord sur un seul point, sur n’importe laquelle des questions favorites.

« On m’accuse d’avoir parlé chez Pétrachevsky en libéral et en libre-penseur. Qu’entend-on par ces vocables ? Un homme qui dit des choses contraires aux lois ? Mais j’ai vu des gens pour qui « dire des choses contraires aux lois » ne signifie, s’ils veulent bien l’avouer, rien de positif. Qui a vu mon âme ? Qui possède la mesure de la trahison, de la mauvaise influence, de l’instigation dont on m’accuse ? On juge peut-être d’après quelques paroles que j’ai prononcées chez Pétrachevsky. Or, j’y ai parlé trois fois ; deux fois sur la littérature, une fois sur un sujet qui n’a rien de commun avec la politique, sur « la personnalité et