Page:Ossip-Lourié - La Psychologie des romanciers russes du XIXe siècle.djvu/196

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moment du crime, il la tue aussi. Il met toutes sortes de choses dans sa poche sans s’assurer du contenu : bourse, écrins, etc. Les angoisses l’ont tellement affaibli qu’il se tient difficilement sur ses jambes. De grosses gouttes de sueur ruissellent sur son visage. Il n’a plus la tête à lui ; plus il va, plus ses idées s’obscurcissent. Sans prendre aucune précaution, il rentre chez lui, les poches bourrées.

Pendant deux jours il vit dans une sorte de fièvre, dans un délire. Il sort, cherche à se débarrasser des objets volés, veut les jeter dans la Néva, se décide enfin à les déposer sous une grosse pierre dans un endroit isolé. Alors, il s’arrête soudain dérouté, abasourdi par une question nouvelle, tout à fait inattendue et excessivement simple : « Si réellement tu as agi dans toute cette affaire en homme intelligent et non en imbécile, avec un but nettement tracé et fermement poursuivi, comment se fait-il donc que tu n’aies pas même regardé ce qu’il y a dans la bourse ? Comment en es-tu encore à ignorer ce que te rapporte l’acte dont tu n’as pas craint d’assumer le danger et l’infamie ? »

Raskolnikov ne sait pas ce qu’il a volé ; il n’en a rien gardé.

La police poursuit une fausse piste.

La situation de Raskolnikov est étrange ; on dirait qu’une sorte de brouillard l’enveloppe et l’isole du reste des hommes. Il s’évanouit au bureau de police où il est appelé au sujet du paiement de son loyer ; il retourne inconsciemment sur le lieu du crime, il ne cause avec tout le monde que du crime. Définitivement, il tombe malade dans un état fiévreux avec délire et demi-inconscience. Guéri, il ressent le besoin de se confier à un être humain. Il s’adresse à Sonia, une malheureuse qui se prostitue pour nourrir les enfants d’une femme malade, il se confesse à elle…

La scène est d’une grandeur indescriptible. Après l’aveu,