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II


L’œuvre de Tolstoï est une des plus touffues qu’on puisse imaginer. Tour à tour romancier, philosophe, moraliste, l’apôtre de Iasnaïa-Poliana touche à tous les sujets. Par ses images, sensations, sentiments, impressions, analyses, il éveille l’idée de l’Infini.

On aperçoit dans l’œuvre de Tolstoï, comme dans un songe, confondus entre eux, sans être rattachés l’un à l’autre d’une manière apparente ni même sortis entièrement de l’informe ou de l’imprécis, les éléments les plus divers : conceptions philosophiques, morale de la pitié, paraboles bibliques et slaves, austérité ascétique, socialisme révolutionnaire, anarchie intellectuelle. L’esprit de Tolstoï fut hanté — de tout temps — de rêveries philosophiques, car l’auteur d’Anna Karénine est un philosophe autant qu’un romancier, c’est-à-dire un homme voué à la recherche de l’éternelle vérité, tout autant qu’un poète et un artiste. Il est romancier-philosophe, il est aussi philosophe-prophète, prophète de l’ancienne religion, de la religion des prophètes, et prophète d’une nouvelle religion, la religion de la justice et de la solidarité sociales.

L’étude de la philosophie proprement dite de Tolstoï sortant des cadres de cet ouvrage[1], nous ne nous occuperons ici que de ses romans. Notre tâche est complexe.

  1. Voir nos ouvrages : La Philosophie de Tolstoï, Pensées de Tolstoï et Nouvelles Pensées de Tolstoï. (Paris, F. Alcan.)