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II


Les Récits d’un Chasseur, parus en 1852, donnèrent du premier coup la célébrité à Tourguéniev. L’impression que causa cette série de tableaux, où était peinte, avec une vigueur remarquable, la triste condition des paysans russes, contribua beaucoup au mouvement d’opinion qui aboutit à l’affranchissement des serfs.

Voici comment Biélinsky, le célèbre critique russe, appréciait les premiers essais de Tourguéniev : « Tourguéniev a débuté par des poésies « lyriques » ; il y en a de bonnes ; elles ont réussi ou parce qu’elles ne sont pas lyriques, ou parce qu’elles donnent des peintures vives de la vie russe. Quand Tourguéniev a voulu donner des poésies vraiment lyriques, le souffle lui a manqué ; ce genre ne convenait guère à son talent... Mais le succès de Khor et Kalinitch fut une surprise pour l’auteur et l’encouragea à continuer ses récits. Le vrai talent de Tourguéniev s’est révélé. Il ne sait peindre que le réel, ce qu’il a vu ou ce qu’il a étudié. Il peut créer, mais avec des matériaux faits et préparés par la nature. Ce n’est pas une copie du réel ; la nature ne donne pas à l’auteur des idées, mais elle l’oblige à les retrouver ; l’auteur transforme le réel d’après son idéal, et il nous donne un tableau plus vivant, plus palpitant... Il sait rendre fidèlement le personnage ou le fait qu’il a observé... Le trait principal de son talent consiste en ce qu’il ne pourrait créer un caractère qu’il n’aurait pas