Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/357

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que la force seule est la preuve et la mesure du droit ; et cela est particulièrement grave, car toute la vie internationale repose sur les traités. Ceux-ci sont des promesses. Si les promesses n’ont pas de valeur venant des États, il faudra désormais « traiter comptant ». C’est déjà ce que certains ont fait entendre parmi les alliés en disant qu’ils ne feront pas de traité de paix, mais imposeront la paix avec garanties réelles pour son maintien. De là la prolongation de cette guerre. C’est pour cela aussi que d’autres déclarent qu’il n’est plus possible de traiter avec le gouvernement de l’Allemagne qui pratique de telles théories, et qu’il faut poursuivre la destruction de son gouvernement[1].

3. L’histoire de cette guerre démontre l’urgente nécessité de réorganiser les relations internationales à partir de leur fondement. Or, aucune organisation ne peut se concevoir en dehors de liens de droit entre les nations, et par conséquent en dehors des traités. Le principe fondamental est donc le respect inconditionnel dû aux traités ; le principe Pacta sunt servanda opposé à la doctrine de la nécessité (Notrecht) et à celle de la relativité des contrats[2]. Cette dernière doctrine vicie par la base même tout le droit actuel. Voici comment les maîtres de la science l’exposent. « Il y a dans tout traité qualifié de perpétuel une clause tacite en vertu de laquelle les parties ne sont censées s’être liées que pour le temps où seront encore existants les intérêts et les motifs essentiels qui ont déterminé leur consentement, en sorte que l’accord reste seulement obligatoire tant que les circonstances dans lesquels il a été conclu ne se modifient pas d’une manière absolue. C’est la clause : rebus sic stantibus qui domine nécessairement l’ensemble des stipulations internationales et les dominera toujours, parce que les pouvoirs publics internes, gardiens et dépositaires des intérêts nationaux, ne peuvent contracter des obligations qui lieraient indéfiniment les générations futures. Ces stipulations ont donc des limites, par la force même des choses : le maintien des grandes lignes de l’état social existant lors de leurs conclusions. Le salut de l’État est leur loi suprême et aucune des nations ne consentirait à continuer l’accomplissement d’une obligation qui risquerait de compromettre des intérêts essentiels »[3].

  1. « Il ne doit pas, il ne peut pas y avoir la signature d’un Hohenzollern sur le traité de paix. Nous ne traiterons qu’avec le peuple allemand, maître de ses propres destinées (les socialistes Français). »
  2. Tout odieux que soient les faits actuels, il ne faut pas oublier qu’antérieurement dans l’histoire nombreux ont été les cas où des traités ont été déchirés sans sanction efficace. En 1871, au mépris du traité de Paris, la Russie s’arroge le droit d’envoyer des flottes de guerre dans la mer Noire. L’Autriche, en 1908, s’annexe la Bosnie et l’Herzégovine en déchirant le traité de Berlin.
  3. A. Mérignhac, Traité de droit public international : I page 133. Conf : Pradier Fodéré, loc. cit  II § 905. — Bluntshli, loc. cit : art. 414 et 416. — Rollin Jacquemyns, Revue de droit international, 1888, p. 620.