Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/358

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Pareille doctrine est profondément immorale et impolitique. Elle revient à dire que les contrats n’ont de valeur que pour autant que l’on croit profitable de les observer. En droit privé cela s’appelle la clause potestative qui nullifie radicalement les conventions. Il faut se hâter de réformer cela. D’ailleurs, il est irrationnel, dangereux et antijuridique de passer des conventions internationales « ad æternum », c’est-à-dire « sans terme ». Ces conventions doivent, comme tous les contrats, être faites pour une durée déterminée et renouvelable. Elles auront ainsi une signification plus nette, comporteront un engagement plus formel et faciliteront l’adaptation constante du droit[1].

284.3. LES INFRACTIONS AU DROIT DES GENS. — La violation des droits de la Belgique et du Luxembourg n’a pas été la seule pendant la guerre. Il y a eu violation des conventions de La Haye qui interdisent les peines collectives, les bombardements des villes ouvertes, sans avertissement préalable et d’œuvres d’art sans nécessité stratégique, l’emploi de gaz asphyxiants, la mise à mort des blessés, la destruction de passagers innocents des navires de commerce, le pillage des territoires envahis, le viol des femmes, les contributions de guerre, l’astreinte des civils au travail au profit de l’ennemi, etc., etc. L’Allemagne pour se défendre a osé alléguer que les Conventions de La Haye n’ayant pas été signées par la Turquie et le Monténégro, n’avaient pas d’existence pour elle ! À défaut même de ces conventions n’y aurait-il pas eu les conventions antérieures, et même le droit naturel et la simple humanité ! À la vérité, si les Allemands n’avaient pas accumulé cruautés, barbaries et destruction de monuments, qui les ont déshonorés, leur situation militaire aurait été exactement la même et leur situation morale beaucoup meilleure. Mais déjà leur Manuel des usages de guerre, plein d’une inspiration féroce, avait indiqué ce qui allait être fait et comment ils entendaient systématiser la terrorisation[2].

6. La conscience juridique universelle a été meurtrie par tous les faits anti-juridiques de cette guerre, scandalisée, foulée aux pieds ; elle

  1. Stuart Mill a déjà fait cette proposition.
  2. Louis Renault, La guerre et le droit des gens au XXe siècle. — (À la séance politique annuelle des cinq académies). — Rapport sur la violation du droit des gens en Belgique. Préface de J. van den Heuvel (2 volumes. Publication officielle du gouvernement belge). — La guerre allemande par la combustion, l’asphyxie, l’empoisonnement de l’adversaire, Paris, 1915. — Charles de Jongh, L’Allemagne et les Conventions de La Haye Pacifisme, démocratie, Lausanne, Léon Martinet. — Walther Schucking, L’Allemagne et le droit international, « Revue politique internationale ». — Lois et coutumes de la guerre continentale, par le gouvernement d’état-major allemand. — Militarische Notwendigkeit und Humanität « Deutsche Rundschau », XIII, page 119. — Brenet, La France et l’Allemagne devant le droit international pendant les opérations militaires de la guerre de 1870-74 (1902). — E. Doumergue, La moralité et la politique des belligérants. — Le droit et la force, d’après le Manuel des états-majors allemands et français.