Page:Ovide - Les Amours, traduction Séguier, 1879.djvu/114

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
108
OVIDE

Sous ses arbres touffus, un jour, pour mon génie
Je méditais des plans nouveaux.
Le front tout parfumé, m’aborda l’Élégie,
Boitant sur ses pieds inégaux..
Belle, d’habits légers, l’air coquet d’une amante,
Sa démarche l’embellissait.
Sur ses pas Tragédie, œil dur, robe traînante,
Cheveux épars, vite avançait.
Un sceptre armait son bras ; le cothurne scénique
Ornait son pied. — Soudain sa voix :
« Quand donc s’apaisera ta fureur érotique,
Poète infidèle à mes lois ?
À table les buveurs racontent tes folies,
Et l’on en jase aux carrefours ;
On murmure en montrant tes jambes affaiblies :
« Voilà ce chantre des Amours ! »
De Rome, à ton insu, tu deviens donc la fable,
Grâce à ta lyre sans pudeur.
Trêve au repos : saisis le thyrse incomparable.
Commence un plus noble labeur.
Cupidon t’abêtit ; peins Minerve et Bellone.
À moi, diras-tu, ces sujets.
Mais depuis trop longtemps ta Muse en l’air fredonne
Et te leurre de vains objets.
Maintenant sacre-moi Romaine Tragédie :
Ton art peut suffire à mes vœux. »
Elle dit, et broyant son soulier de Lydie,
Mut quatre fois ses lourds cheveux.