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OVIDE

Ceint de lauriers, va, sacrifie.
Qu’on t’acclame au passage : « Io I gloire au vainqueur
Qui d’une femme ainsi se joue ! »
Ta victime ira morne, et blanche, moins sa joue
Marquée au sceau de ta fureur.

Mieux valait, amoureux, sur sa bouche adorable
Et sa gorge imprimer la dent.
Si j’étais déchaîné comme un sombre torrent,
Dans ce délire épouvantable,
N’était-ce pas assez d’alarmer par des cris
La pauvre enfant, et, chose inique,
De mettre jusqu’au sein en lambeaux sa tunique ?
Ma raison, là, m’aurait repris.
Mais non, j’ai rudement tiré sa chevelure,
Meurtri son cou de mes dix doigts :
Des marbres de Paros, elle, pâle et sans voix,
Avait la teinte blanche et pure.
J’ai vu ses traits glacés, son corps aussi tremblant
Qu’un peuplier qu’Éole incline,
Que de sveltes roseaux où le zéphyr badine,
Qu’un flot sous la brise ondulant.
À la fin, de ses yeux, comme l’eau de la neige,
Les pleurs coulèrent lentement.
Mon orgueil s’avoua coupable à ce moment :
Ces pleurs, c’est mon sang, me disais-je.
Trois fois, en suppliant, je tombe à ses genoux,
Trois fois sa terreur me repousse.