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LES AMOURS

Va, qui donne est toujours charmant.
Sache agréer aussi l’affranchi débonnaire ;
Pied gypsé n’a rien d’infamant.
Mais qu’un luxe d’aïeux jamais ne t’éblouisse :
Avec eux pars, noble appauvri !
Quoi ! gratis ce mignon veut qu’on le divertisse ?
Vole ton mâle, mon chéri.

« Exige peu d’abord, quand s’avance une proie.
La tiens-tu, dépouille-la bien.
Simulé, l’amour sert : au tien fais que l’on croie,
Mais garde-toi d’aimer pour rien.
Parfois défends tes nuits : prétexte une migraine,
Les jours d’Isis, l’ordre établi.
Reçois bientôt, de peur qu’un long jeûne n’entraîne
L’indifférence — et puis l’oubli.
N’ouvre qu’aux généreux, et livre à leur risée
Le suppliant qui se morfond.
As-tu des torts : dis-toi la première blessée ;
Par l’audace évite un affront.
Mais des emportements abrège la durée,
Car la haine en pourrait surgir.
De larmes de commande à dessein éplorée,
Apprends tes yeux à se rougir.
Hardiment sois parjure : aux plaintes d’une dupe
Vénus rend sourds les rois d’en haut.
Choisis un couple adroit d’esclaves, qui s’occupe
De dire aux gens ce qu’il te faut.