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LES AMOURS

Que de même eussent fait nos primitives mères,
Adieu l’humaine légion :
Pour repeupler le monde, en y semant des pierres,
Il eût fallu Deucalion.

Comment vaincre Priam, si des eaux la déesse
Eût dans son sein frappé son fruit ?
Ilia supprimant une double grossesse,
Rome, ton père était détruit.
Si dans ses flancs Vénus eût fait mourir Énée,
Ce globe manquait de Césars.
Toi-même aurais péri, belle, au lieu d’être née,
Ta mère adoptant ces écarts.
Et moi qu’Amour tuera, si la mienne avant terme
M’eût chassé, quels étaient mes jours ?
Dans la grappe attendez l’espoir qu’elle renferme,
Dans les fruits les derniers contours.
Mûrs, ils tomberont seuls ; verts, laissez venir l’âge.
La vie exige ses saisons.
Femmes, pourquoi fouiller vos flancs d’un fer sauvage, ,
Couvrir nos germes de poisons ?
De Colchos on maudit la mère infanticide ;.
On plaint Itys qu’abat Progné :
Mais au meurtre du moins, là, chaque époux décide,
Par sa faute, un cœur indigné.
Vous quel est le Térée ou le Jason parjure
Qui vous pousse à de tels forfaits ?
Jamais une tigresse ainsi ne se torture,