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tend dans toute l’ancienne Austrasie jusqu’à Reims, où elle fait effort pour se rompre aux habitudes de l’éducation latine. C’est ce qui paraît déjà dans ces formules d’abjuration et de confession, dansées imitations de psaumes et ces cantiques que nous avons cités. Vers la fin du huitième siècle, la langue des Francs est assez pénétrée de christianisme pour traduire la règle de saint Benoît, les lettres d’Isidore de Séville, les hymnes de saint Ambroise[1] (1). Mais, de tous ces restes d’une antiquité qui est aussi la nôtre, aucun ne nous appartient à plus juste titre que l’Harmonie des Évangiles, achevée en 888 par Otifried, moine de Wissenburg en Alsace. Cet homme pieux avait cédé aux conseils de plusieurs chrétiens, et particulièrement d’une noble dame appelée Judith, en composant un poëme sacré pour remplacer dans la bouche des laïques les chants déshonnêtes du paganisme. Sans doute ses vers n’ont pas l’accent de l’épopée populaire : on y reconnaît le travail d’un esprit occupé de plier l’idiome barbare aux lois d’un art étranger, et l’allitération est remplacée par la rime. Mais tout ce qui éloigne Ottfried des traditions du Nord le rapproche de nous et nous ne pouvons mieux reconnaître ce que fit l’Église pour entretenir l’esprit national qu’en finissant par un fragment de l’Harmonie des Évangiles. On y retrouve le même patriotisme reli-

  1. Hattemer, Sangallens Sprachschaetze t. I, II, III.