Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 4.djvu/370

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spectacle de son avilissement et de son impuissance. Comment eussent-ils supporté patiemment les humiliations du cérémonial, la pompe étrangère du palais, le costume presque oriental des rois ? Voilà pourquoi on finit par traiter de fainéants ces princes dont les règnes furent moins vides qu’on ne pense, mais dont les habitudes romaines, par conséquent sédentaires, rappelaient si peu la vie errante des barbares, et qui avaient fait succéder un gouvernement de palais à la royauté des champs de bataille. L’éclat emprunté dont ils s’entouraient ne les sauvait pas des insultes de leurs leudes. Ainsi, quand le roi Clotaire II refuse de marcher contre les Saxons, les Francs se précipitent sur sa tente qu’ils déchirent, ne lui épargnent aucun outrage ; et ils l’auraient tué, s’il n’eût promis d’aller avec eux. Une autre fois, c’est le roi Gontran qui, un jour de dimanche, après avoir fait imposer silence par le diacre, se tourne vers le peuple et dit« Je vous adjure, hommes et femmes qui êtes ici présents, ne me tuez pas comme vous avez tué mes frères ! Que je puisse au moins encore pendant trois ans élever mes neveux, qui sont devenus mes fils d’adoption, de peur qu’il n’arrive (et puisse le Dieu éternel détourner ce malheur !) qu’après ma mort vous ne périssiez avec ces enfants, quand il ne restera plus d’hommes faits de notre race pour vous défendre.» Rien ne peint mieux que ces paroles