Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/50

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au prince, qui la jeta dans les eaux, et la mer fut épousée :

E poi l’annello al principe ebbe dato,
Che lo die all’acque ; e’I mar fu sposato.

Cette chute est belle, et je pourrais citer d’autres vers où l’on trouverait de la verve et de la naïveté. Mais ce qui me frappe surtout, c’est que la guerre d’Alexandre III et de Frédéric Barberousse, par conséquent la querelle des Guelfes et des Gibelins, du sacerdoce et de l’empire, ait laissé un souvenir si durable, non chez tes lettrés, mais dans la foule, dans le peuple, qui n’est pas toujours ingrat. Tandis que les légistes et le plus grand nombre des historiens méconnaissaient ces grands papes défenseurs des libertés de l’Église et de l’Italie, tandis qu’on les dénonçait comme des prêtres ambitieux, ennemis du repos des rois, le peuple ne les avait pas oubliés. La république de Sienne prenait à ses gages le peintre Spinello Aretino, pour lui faire exécuter au palais public les belles fresques où se déroule toute l’histoire d’Alexandre III. Venise fit représenter le même sujet dans la salle du Grand Conseil, d’abord par Jean Bellini, et ensuite par Tintoret, quand l’incendie eut détruit l’œuvre à jamais regrettable du vieux maître. En même temps, la tradition populaire passait de bouche en bouche avec les chants qui l’avaient célébrée, jusqu’à cette histoire épique imprimée à Todi il y a