Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/51

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quelques années, et répétée encore de nos jours dans les montagnes de l’Ombrie et de la Sabine.

Plusieurs trouveront que j’ai donné trop d’attention aux derniers accents de la poésie populaire, comme à ses premiers bégayements. Toutefois, je ne dissimule ni la barbarie des inscriptions par lesquelles j’ai commencé, ni la sécheresse des petites épopées par où je finis. La poésie est dans le peuple, mais comme le pain est dans le sillon il faut l’en faire sortir à force d’art et de travail. Si la poésie ne se dégage pas du peuple, elle devient triviale : ces chants sans auteur comme sans originalité, que chacun a le droit de mutiler et de refaire, s’en vont s’altérant toujours, perdant à chaque siècle quelques strophes et quelques épisodes, jusqu’à ce qu’enfin les mendiants et les nourrices se lassent de les répéter. Au contraire, quand une volonté laborieuse s’est emparée de ses éléments périssables quand un poëte ou une suite de poëtes y a mis le choix, l’ordre et le lien, alors naissent des ouvrages qui durent ; mais trop souvent l’empreinte savante y efface, la naïveté des temps primitifs. Les poésies des premiers franciscains nous montrent ce moment instructif et charmant où, l’art commence à saisir l’inspiration populaire s’il ne réussit pas toujours à la régler, il ne risque pas encore de la flétrir.