Page:Péguy - De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne, 1906.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bons enfants, gais, joviaux, et ils sont secrètement honorés d’avoir dans leur monde des personnes aussi bien élevées que des curés, ce qui les change, comme ils ont coutume de pardonner, car ils sont bons garçons, comme ils en ont pardonné bien d’autres à ses inégaux héritiers. Ne faut-il pas d’ailleurs et n’est-il pas très bon qu’un ambassadeur ait le ton des puissances étrangères auprès desquelles il est accrédité. Et ne faut-il pas montrer à ses ennemis qu’on est aussi bien élevé qu’eux. Que deviendrait toute la vieille politesse française démocratisée. Renan, dans cette hypothèse, n’est plus qu’un exemple, un cas particulier, premier, éminent, de ce que l’on peut nommer selon eux la persistance du caractère ecclésiastique chez les défroqués, chez les messieurs prêtres, chez les anciens ecclésiastiques. Renan, qui ne fut pas seulement l’initiateur de cette opération, mais qui dut à cette opération de devenir un grand seigneur selon le siècle, un prince de la Science, qui sans cette opération fût assurément devenu un prince de l’Église, avait quelque droit de rester un prélat. Telle est leur explication que l’on peut nommer l’explication par l’habitude. C’est une excuse autant qu’une explication.

Ils ont dit tantôt, ils ont dit aussi, — et ce sera là l’excuse et l’explication par l’intérêt, — que si Renan avait conservé dans beaucoup de ses passages et dans quelques-unes de ses œuvres ces certaines formes ecclésiastiques, c’était par prudence, par l’effet d’une prudence élémentaire, d’une sagesse filleule de celle du vieil Ulysse, cet autre navigateur, ce Grec Breton mâtiné de Normand,