Page:Péguy - De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne, 1906.djvu/33

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Ils parlaient ainsi, méconnaissant leur maître. Ils peuvent croire qu’ils font la même chose que Renan, mais nous avons, nous aussi, une assurance ; nous avons l’assurance, nous, que Renan ne faisait pas la même chose qu’eux, ou du moins qu’il ne faisait pas seulement la même chose qu’eux.

Je ne nie pas cette explication par l’intérêt. Je crois qu’elle est vraie en elle-même. En outre elle est vraie, parce qu’on l’a dit, parce qu’on l’a donnée, parce qu’on a dit qu’elle était vraie, parce que ce sont eux qui l’ont dite et donnée ; ainsi elle est vraie au sens beaucoup plus intéressant, au sens et dans la mesure où les plus misérables tares des descendants sont représentées, sont incluses, existent en fait, sont en germe dans les œuvres des ascendants, fût-ce dans les plus grandes œuvres des plus grands ascendants, proviennent d’elles, tout de même, et par conséquent au sens et dans la mesure où les pères en réalité sont responsables des fils, où tous les ancêtres sont responsables de tous les descendants, les fondateurs des héritiers, les maîtres des élèves. Les fondateurs, des empires ; et les maîtres, des chétives écoles. Il est évident en effet que quand un fils parle mal, pense mal de son père, un élève de son maître, une école de son scholarque, un empire de son fondateur, ils ont raison, ils disent vrai. Quoi qu’il en soit, ou qu’il en paraisse être par ailleurs, en vérité. En réalité. Car en un sens il est inévitable, il est automatique, il est infaillible qu’ils aient raison, qu’ils disent vrai. Ils ont raison, quand même ils auraient tort. Ils disent vrai, quand même ils