Page:Péguy - De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne, 1906.djvu/34

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mentiraient, ou quand même ils feraient erreur, quand même ils se tromperaient, et quand même ils tromperaient. C’est une question qui a été fort agitée que de savoir à quel point et dans quel sens le père est responsable du fils, le maître de l’élève, généralement le premier, l’inventeur de ses imitateurs, et tout auteur de toute sa filiation. Sans entrer dans ce débat, qui nous acheminerait à d’autres études, et de cette controverse ne retenant que les quelques parties qui se trouvent sur le passage de notre cheminement, je maintiens que lorsqu’un fils parle mal, pense mal de ses père et mère, un élève de son maître, il faut bien qu’ils aient raison, en un certain sens, quand même ils auraient tort, il faut bien qu’ils disent vrai, en un certain sens, quand même, inconsciemment ou sciemment, ils diraient faux, ils feraient ou commettraient erreur. Car s’ils disent faux, s’ils se trompent ou s’ils trompent en ce sens que leur auteur n’était point comme ils se le représentent ou comme ils nous le représentent, par conséquent en ce sens que la représentation, que l’image qu’ils ont ou qu’ils donnent de leur auteur n’est point exacte, conforme à la réalité, quand un fils parle, pense mal de son père charnel ou de son père intellectuel, en dernière analyse il a raison, il dit vrai, en ce sens beaucoup plus intéressant, beaucoup plus profond, infiniment plus réel, étant infiniment plus vivant, que ce père et que cet auteur mérite profondément que nous ayons de lui, réellement, que notamment ses fils et que ses produits eussent de lui cette image et cette représentation, puisque justement il a eu cette tare, profonde, puisque précisément il a véritablement commis ce crime, d’avoir une descendance qui en viendrait à parler mal, à penser mal de