Page:Péguy - De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne, 1906.djvu/50

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parti qui ne demandait lui-même qu’à se faire des partisans, qu’à devenir chef de parti. Qui ne demandait pas seulement à devenir lui-même partisan, mais qui ne demandait qu’à se recruter des partisans, fonder un parti, se faire le fondateur et le chef, statutaire, d’un parti. Enrôler des jeunes gens, la plus vieille et la plus chère ambition, la plus secrète convoitise ecclésiastique.

Il y a beaucoup plus de ressemblance, beaucoup plus de voisinage qu’on ne le croit, ou, pour tout dire, il y a une toute proche, une étroite parenté entre l’ambition intellectuelle et l’ambition politique, entre les partis intellectuels et les partis politiques, entre la passion du commandement intellectuel et la passion du commandement politique ; ou plutôt il n’y a pas seulement des affinités, une affinité générale entre l’autorité du commandement intellectuel et l’autorité de commandement politique, il n’y a pas seulement entre elles deux ce goût singulier, cette convoitise commune, cet appétit commun de toute autorité de commandement, si répandu dans nos démocraties, mais nous voyons par tout ce qui aujourd’hui se passe autour de nous que la convoitise de la domination intellectuelle est la même que la convoitise de la domination politique, et du gouvernement. Non pas seulement qu’elle en est un cas particulier, mais qu’elle est la même, plus approfondie encore, infiniment plus inquiétante et plus dangereuse, étant inquisitoriale et pour ainsi dire plus intérieure, étant plus essentielle et pénétrant aux racines mêmes des libertés intérieures, pour les atteindre. Qui en douterait, il n’aurait qu’à regarder un peu ce qui se passe autour de nous. Car c’est pour cela, c’est par un effet de cette parenté, de cette unité, de cette continuité, de cette