Page:Péguy - De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne, 1906.djvu/52

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parle pas des élections municipales, — ce qui ne leur arriverait jamais, et dont ils ne courraient aucun risque, s’ils étaient proprement, purement des intellectuels. On croyait, ils croyaient peut-être eux-mêmes qu’ils étaient des intellectuels, de purs intellectuels ; ils parlaient de la politique avec un certain dédain, sur un certain ton ; ils étaient des messieurs intellectuels, des professionnels de l’intellectualité : au premier usage, au premier voyage on les découvrait, on les reconnaissait et eux-mêmes ils se découvraient, ils se reconnaissaient, ils se saluaient politiciens dans l’âme, politiciens de vieille date et de vieille souche, familiers et vieilles troupes de la politique, politiciens chez eux et à la coule, politiciens d’avant toujours et non pas même seulement par vocation, mais politiciens nés, — égarés, passants, véritablement étrangers aux pays proprement intellectuels. Sans avoir jamais rien appris de la politique, d’instinct ils la savaient toute, la politique. Car ce n’est point par une conversion, ni par un saut, mais c’était par un passage immédiatement continu, ou plutôt c’était par un retour sur soi-même, par une rentrée en soi-même et dans leur véritable nature, par une retrouvaille de soi qu’ils se rendaient de leurs prétendus pays de travail intellectuel à leurs véritables patries de la politique et de ses agitations.

De cette connexité de la domination intellectuelle et de la domination politique, parlementaire gouvernementale, venue de leur profonde unité, manifestation extérieure, déjà grossière, et un peu superficielle, de leur identité même, de leur communauté de source pro-