Page:Péguy - De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne, 1906.djvu/66

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prendre date, encore une fois, que la croyance en Dieu est une opération, une opinion métaphysique, religieuse ; que même pour compter juste il y a la croyance en Dieu, en un seul Dieu, qui est une croyance métaphysique, religieuse. Croire en un seul Dieu, qu’il y a un Dieu, mais qu’il n’y en a pas plusieurs, c’est faire une opération métaphysique, religieuse, variable elle-même et différente, différente de soi-même, c’est en réalité en faire déjà plusieurs, selon qui est ce Dieu, unique. Et il y a autant d’opérations différentes qu’il y a de ces Dieux, uniques. Réciproquement croire qu’il n’y a pas un Dieu, mais plusieurs, c’est encore faire une opération métaphysique, religieuse, différente de la première, bien qu’elle soit peut-être un peu de la même famille, variable elle-même et différente entre elle-même, c’est faire une multitude en réalité d’opérations métaphysiques, religieuses, autant que vous ferez une multitude non seulement de ces dieux pluriels à l’intérieur de chaque mythologie polythéiste mais de ces mythologies polythéistes mêmes. Contrairement croire qu’il n’y a ni un Dieu ni plusieurs, c’est faire en face, en contraire, en réplique, une opération métaphysique, religieuse, ou plutôt c’est faire en une seule, sous le vêtement d’une seule, une multitude d’opérations métaphysiques, religieuses, autant qu’il y a d’opérations positives dont on fait ainsi les négatives, autant qu’il y a d’opérations affirmatives dont vous faites ainsi les répliques.

Pour parler le langage de l’école, faut-il donc rappeler que l’athéisme est une philosophie, une métaphysique, qu’il peut être une religion, une superstition même, et qu’il peut devenir ce qu’il y a de plus misérable au monde, un système, ou plutôt, et pour parler exacte-