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DES SAINTS INNOCENTS

Qui a vécu parmi eux, qui était un comme eux.

Qui allait comme eux, qui parlait comme eux, qui vivait

comme eux. Qui soutirait.

Qui souffrit comme eux, qui mourut comme eux. Et qui les aime tant les ayant connus. Qui a rapporté dans le ciel un certain goût de l'homme,

un certain goût de la terre. Mon fils qui les a tant aimés, qui les aime éternellement

dans le ciel. Il a bien su ce qu'il faisait ce jour-là, mon fils qui les

aime tant. Quand il a mis cette barrière entre eux et moi, Notre

père qui êtes aux deux, ces trois ou quatre mots. Cette barrière que ma colère et peut-être ma justice ne

franchira jamais. Heureux celui qui s'endort sous la protection de

l'avancée de ces trois ou quatre mots. Ces mots qui marchent devant toute prière comme les

mains du suppliant marchent devant sa face. Comme les deux mains jointes du suppliant s'avancent

devant sa face et les larmes de sa face. Ces trois ou quatre mots qui me vainquent, moi l'invin- cible. Et qu'ils font marcher devant leur détresse comme deux

mains jointes invincibles. Ces trois ou quatre mots qui s'avancent comme un bel

éperon devant un pauvre navire. Et qui fendent le flot de ma colère. Et quand l'éperon est passé, le navire passe, et toute la

flotte derrière.

45 innocents. — 3.

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